Principes éthiques pour travailler dans le domaine de la prévention et du traitement de la toxicomanie
Il est important que la recherche, les politiques et les pratiques concernant la prévention et le traitement de la toxicomanie s’inscrivent dans un cadre international de principes éthiques qui orientent tous les aspects du travail.
Les questions éthiques se posent à différents niveaux, en commençant par la justification du travail de prévention de la toxicomanie en tant que tel. Les professionnels ne doivent pas partir du principe que les activités de prévention et de traitement de la toxicomanie sont par définition éthiques et bénéfiques pour les participants.
Pour élaborer ses propres normes de pratiques éthiques, l’ISSUP se base sur les deux exemples suivants. Ils fourniront des apports bien documentés et examinés sur l'éthique et les normes pratiques pour les personnes travaillant dans le domaine.
Les principes suivants ont été tirés de l’exposé de position découlant de la première et de la deuxième phase des Standards de qualité européens de prévention des usages de drogues*. Il s’agit de principes éthiques pouvant être considérés comme applicables à tous les aspects des activités relatives à la prévention et au traitement de la toxicomanie.
· Respecter les exigences légales
· Développer et organiser des activités soutenues par des données issues de la recherche de haute qualité
· Respecter les droits et l’autonomie des participants (tels que définis dans les cadres internationaux sur les droits de l’homme et les droits de l’enfant)
· Apporter de réels avantages aux participants (en s’assurant que le programme soit pertinent et utile)
· Veiller à ce que la prévention ne porte pas préjudice ou ne provoque pas d’inconvénient substantiel aux participants ou à leurs communautés, notamment des effets iatrogènes, une maladie ou une blessure, l’exclusion, la stigmatisation ou l’absence d’opportunité à participer à d’autres activités plus efficaces ;
· Ne pas porter préjudice ou provoquer d’inconvénient substantiel aux participants (effets iatrogènes, maladie ou blessure, exclusion, stigmatisation)
· Fournir des informations transparentes, fidèles et complètes
· Comprendre les implications et les aspects pratiques de l’obtention du consentement des participants
· Respecter la confidentialité des données des participants
· Adapter l'intervention aux besoins des participants si nécessaire
· Impliquer les participants au titre de partenaires de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation de chaque activité
· Protéger la santé et la sécurité des participants et des membres du personnel
· The European Prevention Standards Partnership (2015) EDPQS Prevention Position paper : Defining “drug prevention” and “quality”. Liverpool : Centre de santé publique. Disponible en ligne à l’adresse : http://prevention-standards.eu/position-paper/
Brotherhood A & Sumnall HR (2011) Standards européens de qualité en prévention. Un manuel pour les professionnels de la prévention. Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, Manuel 7. Luxembourg : Office des Publications de l'Union européenne. Disponible en ligne à l’adresse : http://prevention-standards.eu/manual/ Le deuxième point de référence provient de la Federation of Drug and Alcohol Professionals, basée au Royaume-Uni. Cette fédération propose également un guide utile sur l’éthique et les pratiques professionnelles pour les personnes actives dans le domaine de la toxicomanie. Celui-ci précise :
Les praticiens de la drogue et de l’alcool fournissent un vaste éventail de services liés à l’abus de substances : éducation et prévention ; services aux personnes souffrant de problèmes de drogue et d’alcool ; services aux personnes touchées par la consommation de drogue et d’alcool ; et services professionnels à d’autres praticiens. Ce Code de bonnes pratiques couvre toutes ces activités.
Général
1. Les praticiens de la drogue et de l’alcool ont pour objectif d’aider les consommateurs, leurs proches et toute la communauté à réduire les dommages causés par l’abus de substances. Cet objectif doit toujours orienter leur travail.
2. Les praticiens de la drogue et de l’alcool doivent toujours se comporter de manière professionnelle et responsable. Ils doivent faire preuve d’honnêteté et de loyauté dans leurs activités professionnelles, agir avec intégrité, être consciencieux, attentifs et minutieux dans leur travail, et tenir compte de leurs obligations légales et de l’intérêt général.
3. Les praticiens doivent toujours respecter les droits, la dignité et les intérêts de leurs patients. Ils doivent traiter tous les patients de manière équitable et ne pas faire preuve de discrimination basée sur le mode de vie, le genre, l’âge, le handicap, la race, la sexualité, la religion, les croyances, la culture, l’origine ethnique, ou la situation financière ou sociale envers les patients, collègues ou toute autre personne avec qui ils entretiennent des relations durant la formation ou le travail.
4. Dans les propos tenus avec les patients, d’autres professionnels et le grand public, les praticiens doivent reconnaître la différence entre les faits et les opinions, admettre que d’autres professionnels aient une opinion différente, et ne présenter comme un fait que ce qui a été validé empiriquement comme tel.
5. Les praticiens doivent faire en sorte que leur travail soit dûment couvert par une assurance responsabilité professionnelle et une assurance responsabilité civile, par le biais de leur employeur ou indépendamment.
6. Prestation de services
7. Tout service fourni par un praticien doit reposer sur une évaluation des besoins de l’individu et tenir compte des responsabilités professionnelles du praticien, ainsi que des données factuelles sur la pratique efficace.
8. Les services de traitement doivent être basés sur un plan de traitement élaboré en concertation avec le patient concerné.
9. Les praticiens doivent uniquement fournir un service lorsqu’ils pensent, compte tenu de leurs responsabilités professionnelles, que celui-ci serait approprié et veiller à ce que les personnes concernées soient conscientes des autres options qui leur sont ouvertes.
10. Les praticiens qui sont rémunérés ou reçoivent d’autres avantages de prestataires de services pour conseiller des personnes sur leurs services ou y faire référence doivent clarifier les choses avec toutes les personnes concernées et ne pas
permettre que leurs intérêts financiers compromettent leurs responsabilités professionnelles.
11. Lorsqu’un praticien estime qu’il n’est pas approprié de fournir un service, il doit entreprendre toutes les démarches raisonnables pour aider à trouver une alternative adaptée, le cas échéant.
Compétences professionnelles
1. Les praticiens doivent veiller à ce que leurs connaissances et leurs aptitudes soient actualisées. Ils ne doivent pas essayer de travailler au-delà de leurs compétences.
2. Les praticiens doivent veiller à présenter leurs qualifications et leur expérience avec précision et à éviter que celles-ci soient mal interprétées.
3. Les praticiens doivent s’abstenir de pratiquer si leur capacité à agir de manière professionnelle est altérée par leur état psychologique ou physique, comme un problème d’alcool ou de drogue permanent ou récent, une maladie, le stress personnel, etc. Si un praticien a un doute à ce sujet, il doit solliciter l’aide de son superviseur et informer le superviseur et l’employeur du problème de drogue ou d’alcool récent ou permanent.
4. Sauf pour les médicaments prescrits par un médecin, les praticiens ne peuvent pas consommer de substances psychotropes, en ce compris l’alcool, avant ou pendant l’exécution de leur travail. Les praticiens ne doivent jamais pratiquer si leurs compétences sont altérées par la consommation d’une quelconque substance psychotrope.
Consentement
1. Avant de fournir un service, les praticiens doivent obtenir le consentement éclairé de la personne concernée (ou de son représentant légal) et entreprendre toutes les démarches raisonnables pour veiller à ce que la nature du service et les conséquences prévues soient bien comprises.
2. Le consentement écrit doit toujours être obtenu pour la participation d’une personne à une étude et les informations sur l’objectif ou la nature de l’étude doivent être uniquement être dissimulées avec l’approbation d’un comité d’éthique valablement constitué, composé par d’autres praticiens et représentants non spécialisés.
3. Les praticiens doivent reconnaître que, dans certaines situations, la capacité d’une personne à donner un consentement valable peut être réduite et doivent tenir compte de cet élément avant de marquer leur accord pour fournir un service. Les praticiens ne peuvent jamais recourir à une quelconque forme de coercition pour obtenir un consentement.
4. Les praticiens ne peuvent pas faire de fausses déclarations ou de déclarations exagérées à propos de l’efficacité des services qu’ils fournissent ni s’attribuer de pouvoirs inhabituels.
5. Si certaines conditions sont imposées pour la poursuite d’un service, ils doivent obtenir l’approbation d’un collègue plus expérimenté ou du superviseur et doivent être considérés comme étant clairement conformes aux responsabilités professionnelles du praticien. Ces conditions doivent toujours être expliquées de manière claire au patient.
6. Les praticiens doivent reconnaître et respecter le droit du patient à retirer son accord à tout moment.
Confidentialité
1. Les informations personnelles identifiables concernant les patients ne peuvent normalement être divulguées à des tiers qu’avec le consentement informé valable de la personne concernée (ou de son représentant légal) et les limites de confidentialité doivent être clairement expliquées avant la fourniture d’un service.
2. Si un praticien est sincèrement convaincu qu’un patient présente un risque sérieux de préjudice envers lui-même ou les autres, ou si la loi l’y oblige, il peut être contraint de divulguer des informations personnelles identifiables sans le consentement du patient. Cependant, avant de rompre la confidentialité, les praticiens doivent veiller à obtenir un consentement valable pour la divulgation auprès de la personne concernée et consulter leur superviseur ou collègue plus expérimenté si ce consentement n’est pas donné, sauf si le praticien juge qu’un quelconque report pourrait présenter un risque significatif pour la vie ou la santé, ou impliquer que le praticien contrevienne à la loi.
3. Les informations d’identification des patients ne peuvent jamais être publiées (par exemple dans un article ou un livre) sans leur accord écrit (ou celui de leur représentant légal).
4. Toutes les démarches raisonnables doivent être entreprises pour veiller à ce que les enregistrements concernant des patients soient protégés contre tout accès non autorisé et à ce que les exigences relatives à la loi sur la protection des données soient toujours respectées.
Relations patientèle
1. Les praticiens doivent reconnaître qu’ils exercent des fonctions à responsabilité et que leurs patients et les personnes sollicitant leur aide sont souvent vulnérables.
2. Les praticiens ne peuvent pas abuser de la confiance de leurs patients afin d’obtenir des avantages d’ordre sexuel, émotionnel, financier ou tout autre type d’avantage personnel. Les praticiens ne peuvent pas entretenir de relations sexuelles ou avoir tout autre type de comportement sexualisé avec ou envers les patients.
3. Les praticiens doivent faire preuve de prudence et consulter leur superviseur avant d’entretenir des relations personnelles ou professionnelles avec d’anciens patients, et sont professionnellement responsables si la relation porte préjudice au patient ou à la réputation de la profession.
4. Les praticiens ne peuvent pas effectuer d’évaluation ni d’intervention avec une personne avec qui ils entretiennent une relation. Ils ne peuvent pas non plus superviser cette personne. Si un praticien entretient une relation avec une personne qui est envoyée dans une institution dans laquelle il travaille, il doit attirer l’attention de son supérieur hiérarchique ou de son superviseur à cet égard.
5. Il est admis que certains praticiens participent à des groupes d’entraide ou de soutien entre pairs et qu’il peut arriver qu’ils soient en contact avec des patients actuels ou précédents dans ce contexte. Ce type de contact doit être entretenu avec prudence. Si un praticien est sollicité par un ancien patient en tant que « parrain » dans ce contexte, il est prié de demander conseil à son superviseur avant de marquer son accord.
Supervision professionnelle
1. Tous les praticiens doivent suivre une supervision professionnelle régulière, axée sur l’examen, l’orientation et l’appui de leur pratique. Si cette supervision n’est pas assurée par un employeur, ils doivent l’obtenir d’une autre façon.
2. Lorsqu’un praticien a de sérieux doutes quant à la gestion d’une situation particulière, notamment concernant ce code de bonnes pratiques, il est tenu d’en discuter avec son superviseur/supérieur hiérarchique à la première occasion.
Normes professionnelles
1. Les praticiens doivent communiquer à leur employeur ou à leur superviseur toute action disciplinaire antérieure prise à leur encontre par un employeur ou un organisme professionnel, concernant une conduite non professionnelle ou non éthique.
2. Les praticiens ne peuvent pas tolérer, soutenir, occulter ou permettre d’une autre manière la conduite non éthique de collègues. S’ils ont connaissance ou ont de bonnes raisons de suspecter une mauvaise conduite de la part d’un collègue, ils sont tenus d’en discuter avec leur supérieur hiérarchique ou leur superviseur et, sous leur direction, attirer sur ce point l’attention du supérieur hiérarchique ou du superviseur de ce collègue et/ou d’un organisme professionnel, en tant compte de la nécessité de respecter les droits des patients à la confidentialité.
3. Les praticiens ont le devoir d’expliquer aux patients leurs droits et les options dont ils disposent pour introduire une plainte officielle à propos du service qu’ils ont reçu, si le service a été fourni par le praticien ou par un autre praticien. Les praticiens ne peuvent jamais essayer d’éviter ou de dissuader un patient d’introduire une plainte à propos d’un service dont il est mécontent.